Maintenant que je suis incollable sur l’histoire de la Viper, il est temps de prendre l’avion pour aller en Suisse, dans le canton de Vaud à Noville pour retrouver Kévin, responsable du pôle Leuba Collection, grâce à qui nous allons pouvoir faire un essai sur un bel exemplaire.
Découverte du reptile
Plus je m’approche, plus je remarque sa silhouette excessive qui est vraiment intimidante avec ce très long et large capot qui englobe les ailes avant ainsi qu’un habitacle très reculé qui repose pratiquement sur l’essieu arrière muni de pneus gigantesques en 335 de large. Le roadster est équipé de panneaux latéraux en guise de vitres et d’un toit souple, la version coupé n’étant arrivée sur la GTS qu’en 1996. Pour la couleur, dans un premier temps seul le rouge est disponible sur les premiers modèles, il faudra attendre quelques années avant que le choix des coloris ne s’étoffe. Ne regardez pas trop le coffre, déjà que la malle est extrêmement lourde, mais en prime l’ouverture de celui ci est minuscule alors que le volume est assez grand pour ce type de voiture.

Aurélien et la Chrysler Viper RT/10.
Maintenant, une activité de contorsion m’attend pour l’ouverture du capot, ce dernier s’ouvre depuis l’extérieur, une manette se trouve dans la bouche centrale du pare choc, puis il faut actionner une seconde manette dans l’ouverture qui se trouvera entre le capot et le pare choc. Dernière étape, saisir le capot au niveau des ailes avec une personne de chaque coté pour voir enfin la salle des machines. Sans trop de surprise, le V10 avec 8L de cylindrée est absolument énorme, il est rentré au chausse-pied sous cet immense capot de 2m. Cependant, l’accès aux remplissages des fluides est facile mais loufoque, on notera que le bocal de niveau de liquide de frein est un Chrysler mais il provient d’un autre modèle et il a été monté en biais pour rentrer dans son logement, donc les marquages « max » et « min » sont…. en biais. Sur le feutre isolant a été thermomoulé le logo Viper qui est du plus bel effet et qui lui aussi a une petite particularité amusante : en hiver, lorsque les premières gelées matinales se présentent, le logo apparaît sur le capot en givre du fait de la différence d’épaisseur.
Sur la Viper, pas de poignée extérieure, donc pour ouvrir la portière, c’est uniquement avec la poignée intérieure. Après avoir franchi le large espace entre la portière et le siège, force est de constater que l’ergonomie n’a pas été en tête de la liste des priorités lors du développement. Le siège, dont le dossier est fixe est un peu trop incliné vers l’arrière à mon goût, n’offre pas de possibilité d’ajustement de la hauteur. Ensuite, on retrouve cette impressionnante démesure avec une planche de bord large et massive possédant plusieurs manomètres qui sont dirigés vers le conducteur, ainsi que des commandes camionnesques comme le levier de vitesse et le frein à main. Pour ce qui est de l’assemblage, on sait que l’on est à bord d’une américaine car il est vraiment vilain tout en étant doublé d’une finition en cuir très bas de gamme et d’un plastique presque issu de celui d’une poubelle domestique. Si on parle de l’équipement, celui-ci est extrêmement minimaliste, la seule option étant probablement la radio. Le pédalier est très décalé sur la gauche, coincé entre le passage de roue à gauche et un tunnel de transmission aux dimensions très généreuses, donne l’obligation de devoir orienter tout son corps vers l’aile avant gauche pour atteindre les pédales, ce qui rend la position de conduite vraiment pas idéale.
Gare à la morsure !
Lors de l’insertion de la clef dans le neiman, je remarque un curieux système de retenu de la clef qui ne peut pas sortir sans une action, est-ce une norme américaine de l’époque ? Mais qu’importe, notre énorme 10 cylindres en V de 8L attend son réveil. Avant le démarrage, je jette un coup d’œil sur le compteur de vitesse qui affiche 320 km/h, ce qui est assez flippant.
- Viper RT/10.
- L’intérieur de la Viper RT/10.
La sonorité est vraiment dingue, grave et puissante, le ton très sauvage est donné. Maintenant, il faut partir ! Mettre la première avec la boîte froide demande presque les deux mains et la longue course de la pédale d’embrayage ainsi que sa dureté mettent tout de suite l’ambiance, elle braque difficilement bien que la direction soit directe avec seulement 2,4 tours de butée à butée, ce qui me permet de constater qu’en ville est est … inutilisable. Pour rendre la journée pleine de surprises, la pluie s’invite à la fête et n’ayant que les panneaux latéraux et pas le toit souple, je suis bon pour devoir conduire pour ne pas sentir la pluie, ce qui me permet de découvrir la cinématique très inhabituelle des essuis-glaces, à tel point que le système s’emmêle au bout de seulement deux minutes de fonctionnement. Après une petite pause pour remettre tout ça en ordre, je peux enfin repartir tranquillement pour ma promenade pluvieuse, mais heureuse jusqu’à ce que l’absence de repose-pied commence à se faire sentir ce qui rend la conduite assez éprouvante, sans parler de la chaleur insupportable dégagée par le moteur. Une fois sortie de l’agglomération, le V10 reprend avec poigne grâce à ses 406 chevaux et 630 nm, pour nous emmener à l’allure réglementaire, le couple suffit à pouvoir avoir une reprise suffisante peu importe le rapport engagé, c’est assez confortable. En route pour le col des Mosses, la voiture est conduisible avec un pied très léger tant le couple peut être piégeur dans une telle situation, conclusion, elle n’est pas vraiment taillée pour les petites routes de montagne surtout avec son gabarit encombrant de 4.5m de long et 2m de large qui la rendent totalement infernale à conduire. La sonorité est démentielle et enivrante, le maniement des commandes offre de réelles sensations mécaniques qui flattent la virilité. Rien n’est aseptisé, c’est de la conduite pure, sans artifices.
Caroll Shelby ayant un rôle majeur dans la conception du modèle, il le disait mieux que personne : Une voiture de sport c’est le maximum pour le moteur, le minimum pour le reste et la Viper est très fidèle à cet adage.
La tendance au dérapage est très marquée dans cet environnement. Il faut en effet de la poigne, un gros cœur et du doigté pour dompter la bête. Malgré une suspension à triangles superposés, le châssis manque franchement de rigueur et le freinage d’efficacité pour inspirer confiance, ce dernier est totalement dépassé et finalement presque dangereux pour une telle voiture surtout sur des petites routes. Les conditions s’améliorent petit à petit et on remarque que les performances sont étonnantes, elle réalise le 0 à 100 km/h en 4,6 secondes et le kilomètre départ arrêté en moins de 25 secondes malgré un Cx très défavorable de 0,55. Conduire la Viper, avant même d’espérer la piloter, demande beaucoup d’humilité et de self-control, sinon elle ne demande pas mieux que de vous envoyer au tapis. Dure loi de la nature, les serpents venimeux ne se laissent pas si facilement charmer. Cette voiture est plus adaptée à la parade qu’à un exercice de spéciale de rallye, néanmoins, sur autoroute, le plaisir de déposer n’importe quelle voiture en une fraction de secondes est tout simplement jouissif.
Pour se remettre dans le contexte de l’époque, s’offrir cette américaine en 1992 coûtait environ 489 900 F, soit un équivalent de 123 000€ en 2024, inflation comprise. C’était un peu moins cher qu’une Porsche 911, autrement plus aboutie mais certainement moins originale que notre Viper. La diffusion en Europe était très confidentielle voire inexistante de manière officielle et pour cause, en raison de nombreux problèmes de réglementations comme les pots d’échappement latéraux trop dangereux à cause du risque de brûlure pour les utilisateurs ou même les piétons, un arceau trop peu résistant en cas de retournement ou encore des émissions sonores et polluantes trop élevées. Notre exemplaire possède un échappement conventionnel à l’arrière, ce qui lui a permis d’être homologué en Suisse.
Et si on l’adoptait ?
Dans l’ensemble la fiabilité est au rendez-vous, la mécanique reste très basique et son passé utilitaire vous assure une certaine sécurité : chaîne de distribution, faible rendement, boite renforcée. Il faudra juste faire attention à l’embrayage qui encaisse tout le couple, il est fréquent de devoir le changer tous les 50 000 à 80 000 km d’utilisation. Le coût d’entretien est relativement bas, à titre d’exemple les bougies d’allumage valent 3€ pièce et un filtre à huile 10€. Certains modèles peuvent aussi montrer des faiblesses au niveau du système de refroidissement, en effet les durites de radiateur ont tendance à casser avec le temps. Évidemment les pneus sont aussi à prendre en compte, ceux montés à l’arrière coûtent environ 400€ pièce et sont à changer tous les 5000 km voir moins. Seules les pièces de carrosserie sont vraiment très onéreuses, comme par exemple le capot qui coûte plus de 20 000€.
Pour vous en offrir une, comptez aux alentours de 50 000 € pour un bel exemplaire.
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