Je me retrouve encore et toujours dans l’avion en direction de la Suisse, chez nos amis de chez Leuba Collection. En arrivant dans le showroom, James Bond nous prête son bolide pour un nouvel essai !
Crown jewels
En découvrant le modèle, on remarque que les proportions sont parfaites, avec un style qui mélange parfaitement une certaine agressivité avec cette classe britannique. Selon la marque, elle fait office de trait d’union entre la très aristocratique DB9 et la version du Mans DBR9, c’est pour cela que l’on retrouve certains artifices qui s’en inspirent, comme le diffuseur arrière, plis sur les bas de caisse ou encore les ouvertures sur le capot. Celui-ci est en carbone, comme la malle de coffre, les ailes et les branches de rétroviseurs, le tout pour un gain de 30 kilos. Au fin museau de la DB9, la DBS lui oppose une mine déjà plus entreprenante. Bien échancrée, notamment au niveau des ailes arrière, la découpe des vitres latérales est une signature du profil des Aston Martin de route. De nombreux détails viennent agrémenter le style sans pareil de cette noble dame anglaise comme les rétroviseurs, les poignées de portes encastrées à basculement, ou encore les prises d’air latérales traversées par un jonc chromé dans lequel on retrouve le répétiteur latéral, qui déborde même sur les portes. Les jantes de 20 pouces sont splendides, même si elles semblent bien grandes pour l’allure générale, tandis que la croupe est assurément une pièce de choix devant laquelle il est difficile de résister. Entre le dessin des feux partagé avec les DB9 et V8 Vantage, ses extracteurs en carbone laissant à peine percer les sorties d’échappement et son becquet intégré, c’est le sans faute ! Alors finalement, est-ce qu’on peut dire que DB9 + DBR9 = DBS ? En réalité, la DBS se classe comme une version avec une vocation un peu plus dynamique avec des touches rappelant un univers sportif, mais elle garde toute sa noblesse d’âme et de cœur.
La magie commence quand je prends la clef en main, un look simpliste mais une extrémité en cristal, comme si c’était un joyau. En ouvrant la porte, la cinématique de celles-ci constitue une autre particularité dans le sens où elle s’élève au fur et à mesure de leur ouverture. Est-ce pour éviter de racler les trottoirs ? Cependant, l’effet de style atypique est présent. Quand je m’installe à bord, la beauté et le raffinement de l’intérieur sautent aux yeux. Il suffit de voir les matériaux utilisés dans l’habitacle, le carbone, le cuir, l’Alcantara, le magnésium et même le cristal pour le cendrier ! La planche de bord est reprise de la DB9, dans une version légèrement revue, spécialement dans l’agencement de la console centrale. Ce n’est pas vraiment plus pratique ou plus intuitif mais alors on sait qu’on est dans une anglaise, drôle d’idée de mettre sous le bouton d’éjection des CD deux touches qui actionnent les spots de lecture situés au plafonnier !
Dans un tel univers, où l’équipement de série est pléthorique, notamment pour tout ce qui est exogène à la conduite (sono de 700 watts, climatisation, téléphone…), l’instrumentation semble bien pauvre et désuète, et le volant d’une tristesse affligeante. Point discutable, l’intégration déplorable de l’écran escamotable du GPS sur la console centrale quand il est en position ouverte, semblable à celui d’une 308 de première génération. Cependant, en position fermée, une plaque du même ton que la partie centrale est mise au dos de l’écran pour pas que ça dénote, finalement vaut mieux ne pas ouvrir l’écran. Pour le reste c’est le sans-faute, les superbes baquets possèdent des réglages à mémoire disposés le long du tunnel central, le pédalier alu à picots anti-dérapants et son pommeau de vitesse tout alu taillé en carré assez gros, bien placé et idéal à prendre en main. La position de conduite est très bonne à quelques détails près, comme les vitres qui sont assez étroites ou le tunnel central très haut.
Et la clef au fait ? Baptisée « Emotion Control Unit », elle s’insère dans le rond « Engine – Start » au-dessus de la radio, le cristal vers vous, rien que pour vos yeux. Pour démarrer, il suffit d’appuyer sur la clef et l’embrayage en même temps. Funfact, on est dans une anglaise et le bouton de mise en marche du moteur ne fonctionne pas toujours du premier coup. La magie opère à fond, et s’amplifie encore quand vous réveillez le félin qui sommeille sous le capot. Le méchant coup de gaz donné par le douze-cylindres au démarrage est proprement jouissif. Ce feulement, accentué par les valves d’échappement ouvertes en grand, c’est vraiment la signature Aston Martin.
Avant de partir, il faut bien évidemment desserrer le frein à main, qui à lui seul est une délicieuse exception à la classe avant-gardiste de la voiture, qui a toujours plus de charme qu’un frein à main électrique. Il est donc à gauche du siège conducteur et il possède un fonctionnement particulier pour ne pas gêner l’accès à bord. Il faut le saisir, le remonter jusqu’en haut avant d’appuyer dessus pour pouvoir l’abaisser complètement dans un mouvement assez mou pour être enlevé.
My name is Bond, James Bond
Je peux donc partir pour le Col du Marchairuz, la prise en main est assez simple, la fermeté de l’embrayage s’accompagne, heureusement, d’un V12 capable d’évoluer tout en douceur sur le ralenti. On pourrait presque croire que je pars pour le tournage de Casino Royale ou de Quantum of Solace, mais je ne suis pas sûr que James Bond puisse être métisse avec des origines antillaises. Sur mon trajet, j’ai une partie d’autoroute à faire, ce qui n’est pas désagréable avec notre V12 à la sonorité très volubile à chaque accélération, qui se conjugue parfaitement avec ma fréquence mise sur Espace 2, une radio Suisse diffusant de la musique classique pour avoir une ambiance en accord avec l’esprit de la voiture. Tout à l’heure on parlait des différences entre la DB9 et la DBS, pendant que j’avance progressivement vers Lausanne, la route est parsemée de certains défauts ou de changements avec les nombreux ponts. Je remarque donc que cette dernière est bien plus ferme en amortissement et si on active le mode Sport, c’est littéralement une planche de bois et je suis curieux de voir son comportement en courbe.
En sortant de l’autoroute, au niveau d’Aubonne, je fais un arrêt carburant, et on a le droit à une nouvelle petite anglaiserie pour l’emplacement ultra secret du bouton servant à déverrouiller la trappe du réservoir d’essence. Petit moment de solitude extrême à la station-service car je ne savais pas comment faire et finalement le bouton était situé à côté de la tirette pour ouvrir le capot, donc il ne saute pas aux yeux, de quoi faire sourire les autres clients de la station-service ainsi que la caissière. Comme quoi, c’est tout un art de rouler une pure anglaise car on ne fait jamais rien comme les autres, au même titre que les boutons des vitres qui fonctionnent à l’inverse de la normale ou l’aiguille du compte-tours qui tourne vers la gauche.
Une fois terminé, nous pouvons prendre la route vers le col. En ville, la vision périphérique n’est pas idéale à cause des vitres étroites, mais on peut quand même compter sur le radar de recul en cas de besoin. Après déjà une heure de roulage calme tout en profitant du confort de l’amortissement piloté, je vais pouvoir mettre un peu plus de rythme. Les relances à un régime inférieur à 3000 tr/min ne sont pas transcendantes, surtout pour un V12, mais une fois passé cette limite, les reprises sont vraiment tonifiantes. Le changement fréquent de rapport avec la boîte mécanique à 6 rapports est un vrai régal. Elle tire plus court que sur une DB9, mais elle utilise obligatoirement un embrayage renforcé à cause du couple. Une averse arrive rapidement, la motricité devient précaire. Pas question de faire le malin, ce qui m’oblige à faire preuve d’humilité. C’est très frustrant. Une fois de retour sur un sol sec, nous pouvons reprendre progressivement notre essai.
La direction retransmet fidèlement la route au volant, mais le placement sur un enchaînement fait ressortir un défaut, celui du poids sur le train avant à cause du moteur. Les limites peuvent être assez vite atteintes mais notre belle anglaise n’est pas une reine des circuits, loin de là. Certes, elle emploie une structure tout en aluminium, mais le poids total reste quand même élevé avec 1695 kg sur la balance. Ceci-dit, le châssis semble très bon, les suspensions disposent d’un réglage spécifique avec des ressorts et barres antiroulis plus rigides de 50% avec le système d’amortissement piloté évoqué précédemment. Chaque freinage important, malgré l’utilisation de disques en carbone-céramique ventilés et percés et des étriers fixes à 6 et 4 pistons pour l’avant et l’arrière, fait ressortir un petit manque de mordant. Plus rigide, plus réactive, plus méchante, bref, plus virile, la DBS transcende les qualités sportives de son aînée et fait preuve d’une réelle efficacité dans un confort inégalable. Le gros point fort, c’est la conduite qui n’est pas surassistée, on est parfaitement entre la voiture facile à prendre en main et celle à la conduite virile. Quelques aides à la conduite sont présentes mais ont l’avantage d’être totalement déconnectables.
Lors de notre arrêt photo au sommet du col, c’est le moment idéal pour faire une bonne pause et de découvrir un peu plus le moteur qui anime notre belle anglaise. On y retrouve donc un V12 6.0 en aluminium, repris de la DB9, qui est en réalité un 5.9. Petit rappel historique de ce moteur, quand Aston Martin appartenait à Ford et qu’il fallait faire un V12 pour la DB7, Ford ne souhaitait pas mettre beaucoup d’argent sur la table. En recherchant dans la banque de pièces déjà produite, on y trouve un V6 qui est sous le capot de la Mondeo ST et la décision sera prise de faire un V12 sur la base d’un assemblage entre deux V6 Ford Duratec. Le V12 sous le capot ajouré de la DBS développe 517 ch à 6 500 tr/mn pour 570 nm de couple disponible à 5750 tr/mn. La seule chose qui manque pour affirmer sa vocation plus sportive, serait un carter sec bien qu’il ne soit pas indispensable.
Sur la route du retour, le V12 enchante plus par ses vocalises que par ses relances mais il affiche des performances plus que satisfaisante avec un 0 à 100 km/h en 4,3 secondes et 8,9 secondes plus tard elle atteint les 200 km/h, ce qui permet d’abattre le 1000m en 22,3 secondes pour une vitesse maximale de 302 km/h. Malgré sa bonne volonté évidente et le travail exceptionnel réalisé, la DBS reste une GT et est ainsi plus rivale d’une Ferrari 599 GTB que d’une berlinette à moteur V8 central. La consommation moyenne de notre petite virée sera de 18 L/100 km.
Être propriétaire de la voiture de 007
Pour revenir dans le contexte de cette époque pas si lointaine, une Aston Martin DBS coûtait 241 500€ en 2008 soit 304 356€ en 2024, inflation comprise et aujourd’hui la cote moyenne se situe aux alentours des 140 000€ pour un bel exemplaire, en sachant que la plupart sont en boîte automatique. Pour une boîte mécanique, la moyenne est plutôt à 150 000€. Si elle n’échappe pas à des caprices électroniques, elle nécessite un entretien rigoureux qui peut être très cher, surtout en France, en raison de la rareté du réseau Aston Martin. Néanmoins, il y a de nombreux spécialistes qui peuvent l’entretenir sans problèmes. La DBS est globalement fiable et sans histoires, cependant l’embrayage doit supporter beaucoup de puissance, c’est une pièce d’usure qui, selon l’utilisateur, devra être remplacé tous les 20 à 25 000 km.
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