Dodge Viper : la naissance d’une légende
Quand Chrysler décide de revitaliser son image et de s’attaquer au marché des voitures de sport, Bob Lutz, connu pour son esprit audacieux et sa passion pour les voitures de sport, initiera le projet. Il voulait créer une voiture qui incarnerait à la fois la puissance brute, l’innovation technique du groupe et qui rappellerait la mythique Cobra. Tom Gale, designer en chef chez Chrysler, joue également un rôle crucial dans la conception de la Viper car il est responsable du style radical et agressif de la voiture, qui deviendra emblématique. Il voulait une voiture qui se démarque non seulement par ses performances, mais aussi par son design audacieux, une vision qui allait transformer la Viper en une icône du design automobile.
Mais comment Bob Lutz pouvait convaincre Lee Iacocca, pourtant pas le dernier sur les bons coups lui non plus, de dépenser en ces temps de vaches maigres la modique somme de 80 millions de dollars pour une voiture sans doute vouée à de maigres volumes de production ? Pour cela, l’aide du français, François Castaing qui lui aussi était enthousiasmé par l’idée d’un énorme moteur surtout après avoir participé à l’aventure Renault en F1. Rajoutez à cela le responsable du design, Tom Gale, lui aussi emballé par l’idée de se lâcher sur une bagnole de série à la gueule de concept-car.
Le big-boss savait que si Lutz, Castaing et Gale étaient tous d’accord pour un tel projet c’est qu’il fallait le faire. Accompagné de 85 ingénieurs et designers volontaires dédiés au projet délirant d’une Cobra moderne à moteur V10, car la mode en F1 était celle du V10. Qui de mieux pour concevoir ce moteur que la marque sportive italienne Lamborghini, rachetée il y a peu par Chrysler ? Cette mécanique est au départ un V8 d’utilitaire auquel deux cylindres supplémentaires ont été greffés et dont l’ingénierie a été réalisée par Lamborghini pour en faire une version en aluminium et optimiser le refroidissement, le vilebrequin et le système d’injection. Ce moteur dispose d’une cylindrée record de 7 990 cm3 au caractère très typé US : 630nm de couple à 3 600 tr/mn et un régime maxi peu élevé à seulement 5 500 tr/mn.
Le concept de la Viper a été dévoilé au Salon de l’Automobile de Detroit le 11 février 1989 et il a immédiatement attiré l’attention. Il ne ressemblait à rien de ce qui se faisait à l’époque : un roadster à deux places, sans toit et sans fenêtres latérales, avec un moteur V10 massif et une apparence très angulaire. Personne ne pouvait dire du mal de ce concept-car et la réaction du public ne fit que conforter la pertinence du projet. Le moteur définitif sera prêt en 1990, en attendant les premiers prototypes circuleront avec un V8. Durant la période de conception du modèle final, la marque traverse une période difficile car la marque perdait sa troisième place sur le marché américain derrière Ford et GM, au profit de Toyota et Honda et les pertes sur l’année 1991 se chiffraient à 895 millions de dollars sans compter que la plateforme avait coûté 1,5 milliard de dollars. Il faudra donc attendre Janvier 1992 pour que la bête soit vraiment prête et qu’elle soit officiellement lancée.
La Viper a démontré ses performances plus tôt que prévu quand, en mai 1991, à peine 12 mois après l’accord pour la production, un prototype fut sélectionné comme pace car des 500 miles d’Indianapolis. Il n’était pas censé se trouver là, mais les autorités sportives américaines et les syndicats de l’industrie ont fait objection aux origines japonaises de la voiture proposée à l’origine par Chrysler, la Dodge Stealth. Pour faire le lien avec son héritage, Carroll Shelby, l’homme à l’origine de la Cobra, qui travaillait alors pour Chrysler, a été invité à piloter la Viper devant le peloton des pilotes d’Indy.
Le design du modèle final est très fidèle à celui du concept, les prises d’air avant massives et les lignes de carrosserie sculptées ne sont pas seulement esthétiques, mais elles contribuent également à l’aérodynamique de la voiture. La carrosserie est en quasi totalité en fibre de verre pour permettre à la Viper d’avoir un poids relativement contenu. L’absence de toit et de fenêtres latérales comme sur le concept accentue son caractère radical et lui donne un aspect de roadster pur, Chrysler a choisi de se concentrer sur la performance pure, ce qui a été à la fois applaudi et critiqué car c’est une voiture sans compromis.
La fosse aux serpents
Après un début de commercialisation assez timide sur la première année, avec 292 exemplaires produits en 1992, la Viper finit par trouver son public avec 1043 exemplaires en 1993 puis 3083 en 1994. Fin 1996, un coupé GTS vint compléter la gamme, mais l’effet de mode était terminé, avec 1557 exemplaires en 1995, et 1887 en 1996. Au total, cette première génération de Viper fut fabriquée à 7875 unités. La deuxième génération de Viper se vendra à 9256 exemplaires de 1997 à 2002 avec un regain de popularité grâce à la GTS-R.
- Viper RT/10
- Viper RT/10
Cette voiture était la preuve que l’imaginaire était suffisant pour vendre un tel monstre, pas pratique pour un sous et proche d’un concept-car même dans sa version de série, le tout avec une finition à rebuter plus d’un européen. Oui, mais c’est cela la magie américaine : te vendre du rêve, même si c’est difficile, car ce rêve là, on l’avait pour moitié moins cher qu’une voiture européenne de même puissance, le look en plus, et le côté canaille qui va avec.
La Viper a continué à évoluer au fil des années avec la troisième génération qui marque une première rupture avec le modèle original, puis la cinquième génération qui est entièrement nouvelle stylistiquement. Mais la RT/10 reste l’originale et la plus emblématique, celle qui représente l’icône de l’ingénierie automobile américaine et un symbole de passion avec son design distinctif, son V10 et ses performances. La dernière génération en date n’a pas su convaincre et les normes étant toujours plus restrictives, la marque a mis un terme à la production en 2017. Cependant, Dodge a vendu quelques exemplaires depuis car il reste du stock de pièces, un en 2024, quatre ont été achetées en 2021 et quatre autres en 2020 pour écouler le stock de pièces restantes.
Aucun espoir donc, le serpent est bel et bien mort. Vive la Viper !
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