Point historique sur la Mitsubishi Lancer Evolution VIII
Tout commence en 1973 lorsque Mitsubishi Motors lance un nouveau modèle pour répondre à la demande croissante de voitures compactes et polyvalentes, la Lancer. Elle est conçue comme une berline abordable, fiable et adaptée à un large éventail de conducteurs. Elle se positionne entre la petite Mitsubishi Minica et la plus grande Galant, offrant une solution intermédiaire pour les clients. Au début des années 1990, la marque aux diamants propose une version sportive de sa berline, la Lancer Evolution, basée sur la cinquième génération de cette dernière. Cette déclinaison a été créée par Mitsubishi pour répondre à un besoin stratégique : dominer le monde des rallyes et renforcer l’image sportive de la marque. Lorsque Mitsubishi décide de s’engager dans le championnat du monde des rallyes en groupe A, la marque doit produire des versions routières de ses voitures de rallye pour se conformer aux règles d’homologation.
Face à l’énorme investissement exigé par cette réglementation, notamment la production en série des versions homologuées pour la route, de nombreux constructeurs ont progressivement abandonné la compétition. Pour stopper cette désertion, une nouvelle réglementation a été introduite, donnant naissance aux WRC (World Rally Car). Plus souple, cette réglementation permet aux constructeurs de transformer des voitures en traction ou en propulsion, d’au moins 4 mètres de long, en 4 roues motrices ultra sophistiquées, avec la possibilité d’ajouter un turbo à l’un des moteurs 4 cylindres de 2 litres disponibles dans leur gamme. Seuls deux constructeurs, Mitsubishi et Subaru, ont choisi de continuer à produire des véhicules conformes à l’ancienne réglementation, misant sur l’opportunité de séduire une clientèle de passionnés et de tirer profit d’un marché de niche, certes modeste mais rentable.
Elle a souvent été mise en lumière dans l’univers du cinéma et des animés, incarnant fréquemment la voiture des méchants. On la retrouve ainsi dans des œuvres cultes telles qu’Initial D ou encore dans des films d’action comme Taxi 2, Thunderbolt, Who Am I?, sans oublier son apparition mémorable dans la saga Fast and Furious. Cela a participé à façonner sa réputation de véhicule puissant et redoutable.
Au début des années 2000, malheureusement la France ne bénéficie toujours pas d’une importation officielle et régulière de la Lancer Evolution. Il existait un spécialiste dans le sud de la France qui les importait sur demande et les homologuait au cas par cas, mais pour tous les problèmes de garantie et d’après-vente, l’affaire était complexe et rebutait très vite les acheteurs potentiels. Cependant, pour cette huitième génération de Lancer Evolution, Mitsubishi a enfin accepté que le duel qui existe en championnat du monde avec Subaru, soit également présent de manière commerciale dans l’hexagone.
World Rally Car
Aujourd’hui, je me retrouve avec Alex, un très bon ami photographe qui œuvre dans le milieu automobile, et sa belle Mitsubishi Lancer Evolution 8. Dans le cadre de cette présentation, nous avons choisi de mettre en valeur la voiture dans un décor évocateur et saisissant. Dès qu’on la voit, elle s’impose avec sa teinte Lightning Yellow qui vient égayer le décor terne et grisâtre de la carrière. Son design résolument agressif attire immédiatement l’attention. Je m’approche pour contempler cette superbe japonaise dans son environnement de prédilection.
En face à face avec elle, mon regard est immédiatement capté par sa calandre béante, prête à avaler l’air comme un prédateur affamé. Les phares, acérés et déterminés, semblent fixer l’horizon avec une intensité presque humaine. Ils sont encadrés par des lignes tendues, précises, qui trahissent une obsession pour l’aérodynamisme. Le capot, légèrement bombé avec une prise d’air centrale, laisse deviner la mécanique qui sommeille en dessous. Un autre indice se trouve dans la partie centrale du pare-choc, avec un échangeur qui trahit rapidement la puissance de l’engin. Je continue vers le profil de la voiture, et je découvre des proportions parfaitement équilibrées. Face à elle, la première chose qui frappe est son kit carrosserie aux arches élargies. Ces extensions musclées, à l’avant comme à l’arrière, donnent à la voiture une posture large et ancrée au sol. Ces flancs sculptés ne sont pas là uniquement pour le spectacle : ils accueillent des jantes de 18 pouces à 9 branches en alliage signées Arcasting qui sont parfaitement proportionnées et renforcent l’équilibre visuel de la voiture. Étant bien ajourées, on distingue les étriers à 4 pistons rouges gravés « Brembo » ainsi que les disques ventilés de 320 mm à l’avant et 300 mm à l’arrière ainsi que des étriers à 2 pistons.
- L’avant de la Lancer Evo VIII.
- L’arrière de la Lancer Evo VIII.
La ligne de toit est très légèrement inclinée. Ce dernier est en aluminium, choix technique permettant de réduire le poids global et d’abaisser le centre de gravité. En longeant ses lignes, on arrive à l’arrière, où l’élément le plus emblématique de la Lancer Evolution domine la scène : son aileron massif. Fabriqué en fibre de carbone, c’est une première mondiale pour une berline de série à quatre portes. Il joue un rôle crucial dans l’aérodynamisme, générant une force d’appui qui maintient la voiture collée à la route à haute vitesse. Il est à la fois fonctionnel et spectaculaire, un symbole de puissance brute. Cependant, il était toutefois possible pour les plus timides d’opter pour un aileron moins grand. Symbole de toute une époque, les feux sont de type Lexus, avec un fond chromé, donnant un aspect brillant et moderne et des lentilles rouges, oranges et transparentes pour les différentes fonctions : feux de freinage, feux de recul et clignotants. Dernier détail et pas des moindres, le silencieux HKS, situé à droite, impressionne toujours par le diamètre de sa sortie d’échappement comparé à nos standards européens.
En insérant la clé dans la serrure de la malle, on ressent déjà cette sensation mécanique rassurante, un simple tour de clé, et la malle se libère avec une fluidité exemplaire. Ce moment, presque cérémonial, dévoile un coffre étonnamment spacieux pour une berline sportive de cette trempe. Après l’avoir refermé, je prends du recul et je ne peux que me rendre compte que cette voiture n’est pas là pour faire de la figuration. En toute objectivité, le design d’origine de la Lancer est plutôt fade et sans imagination, assez classique chez les japonaises de cette époque. Cependant, l’immense travail accompli et la présence de cette multitude d’appendices aérodynamiques lui confèrent une personnalité unique et un charme inimitable.
Sous le capot se cache un moteur mythique : le 4G63T, un 4 cylindres en ligne turbocompressé de 2,0 litres qui a marqué l’histoire de l’automobile sportive. Ce bloc, initialement conçu dans les années 1980 et utilisé sur des modèles comme la Galant VR-4, a été perfectionné au fil des générations de Lancer Evolution pour atteindre son apogée. Connu pour sa robustesse, sa fiabilité et son potentiel de performance, il développe environ 265 chevaux à 6 500 tr/min et un couple impressionnant de 355 Nm à 3 500 tr/min, grâce à un turbo à simple étage et un intercooler optimisant l’efficacité. Véritable chef-d’œuvre d’ingénierie, il est également prisé pour sa capacité à être modifié vu qu’il possède des bielles et des pistons renforcés et allégés, ce qui en fait une référence incontournable. Dans le cas de notre Evo 8, celui-ci développe 402 chevaux pour 550 nm de couple grâce à une préparation incluant : pistons forgés MAHLE, vilebrequin H-Beam FMIC, arbres à cames HKS, turbocompresseur HKS GT2, admission HKS et pompe à essence Walbro.
Il est associé à une boîte manuelle à 5 rapports et un système de transmission intégrale permanente très sophistiquée. Dotée d’un différentiel à glissement limité classique de type Torsen pour les roues avant, elle intègre également deux différentiels avec une gestion électronique. Le premier, l’ACD (Active Center Differential), est un différentiel actif situé entre le moteur et la boîte de vitesses, chargé de répartir la puissance entre les essieux avant et arrière. En conditions normales d’adhérence, cette répartition est équilibrée à 50 % sur l’avant et 50 % sur l’arrière. Cependant, en cas de perte d’adhérence, l’électronique ajuste automatiquement cette répartition. En complément, on retrouve le système de contrôle actif de lacet, appelé Super AYC (Active Yaw Control). Ce dispositif améliore la motricité en augmentant la traction sur la roue arrière intérieure dans les virages. La gestion de l’ACD et du Super AYC est entièrement électronique et s’adapte en fonction de plusieurs paramètres : la vitesse, l’accélération longitudinale et transversale, ainsi que l’angle d’ouverture du papillon des gaz.
Passons maintenant à l’habitacle. J’ouvre la portière et je m’installe à bord. Fidèle à son style très austère, l’intérieur fait l’impasse sur le superflu. On y découvre une planche de bord au design très classique avec une bonne ergonomie. Au centre, une petite horloge digitale est nichée entre les deux buses de ventilation. On notera certaines imperfections dans les finitions ou la qualité des plastiques utilisés. Cependant, un effort a été fait pour souligner le caractère sportif du véhicule, avec un volant Momo à trois branches, des fonds de compteurs noirs avec l’écriture en rouge et l’intégration d’une large bande en imitation carbone. Un badge autocollant « Lancer Evolution » est présent en dessous de l’emplacement du levier. Sur la partie supérieure du tableau de bord, trois manomètres Defi donnent des informations sur la pression du turbo, la température d’échappement et la température d’huile. La cerise sur le gâteau revient aux magnifiques sièges baquets Recaro en cuir, qui en plus d’être esthétiquement réussis, confèrent un maintien idéal.
Face à nous, les compteurs affichent une simplicité à l’image de la planche de bord. Les informations essentielles sont bien présentes : régime moteur, vitesse, niveau de carburant et température du liquide de refroidissement. Cependant, un emplacement vide orné de l’inscription “Lancer” sur la droite semble un peu superflu et pourrait servir pour une autre information. Heureusement, les manomètres ajoutés au sommet du tableau de bord viennent enrichir les données disponibles, indispensables pour une voiture de ce calibre.
Le réglage des rétroviseurs s’effectue via des boutons situés à gauche du tableau de bord. Juste à côté, on trouve le bouton de l’ACD, qui permet de basculer entre trois modes de conduite : « Tarmac » pour l’asphalte, « Gravel » pour les chemins de terre ou de gravier, et « Snow » pour les conditions hivernales. Le mode actif est indiqué par une LED verte sur le compte-tours, éclairant discrètement l’inscription correspondant au mode sélectionné.
Entre les deux sièges, un bouton attire l’attention : il active un spray d’eau destiné à refroidir l’intercooler, une fonction particulièrement utile lors d’une conduite intensive. Ce système peut être utilisé en mode manuel ou automatique, selon les besoins. Enfin, un détail technique qui ne passe pas inaperçu : le turbo timer HKS, positionné à gauche de la colonne de direction. Cet appareil ingénieux maintient le moteur en marche pendant un laps de temps prédéfini, permettant au turbo de se refroidir correctement. Une précaution essentielle pour prévenir l’usure prématurée et réduire les risques de casse.
La dotation de série est très complète, la seule option étant la teinte extérieure, avec la sellerie en cuir, la climatisation, les vitres électriques, l’autoradio et un système audio Blaupunkt de 140W. Mais honnêtement, est-ce vraiment nécessaire de camoufler la sonorité caractéristique d’une Lancer, pour écouter du Chopin ?
Mitsubishi Lancer Evolution VIII : Le samouraï des routes
Alex va faire la première partie du trajet, et je ferai la seconde partie. Je monte donc en tant que passager. Le temps que le moteur soit rendu à température optimale, nous discutons de la préparation moteur et châssis, puis du guide d’entretien et de fiabilité sur ce modèle. Avant d’arriver sur le point d’arrêt, il en profite pour me mettre en avant de la meilleure façon, les qualités sportives de la voiture sur des routes avec des parties sinueuses et je suis très surpris par les performances et sa tenue de route exemplaire !
Après une exploration minutieuse, une séance photo spectaculaire et un essai en passager, il est désormais temps de passer à l’essentiel : prendre le volant et évaluer les performances de ce mythe. J’insère à nouveau la clef et je redémarre. Dès que le moteur s’ébroue et que les ceintures sont bouclées, impossible de ne pas se laisser happer par l’ambiance rallye qui règne à bord de cette Lancer Evolution VIII. Les sièges baquets, bien que conçus pour maintenir fermement le conducteur et le passager lors de conduites dynamiques, offrent un confort remarquable. La position de conduite est bonne et cette sensation est renforcée par une excellente visibilité générale. Le volant, gainé de cuir, offre une prise en main idéale, tout comme le pommeau Ralliart en acier billette. Le pédalier n’arbore pas d’aluminium comme sur certaines sportives plus ostentatoires, mais l’essentiel est ailleurs : son implantation est idéale pour exécuter un talon-pointe efficace. La pédale d’embrayage est dure, mais le point de patinage se trouve relativement facilement.
Le départ se fait en ville, et la première chose qui interpelle et qui rend son utilisation compliquée en agglomération, les freins. Les pièces montées dessus dans l’unique but d’une quête à la performance, font que le bruit émit à chaque freinage à basse vitesse est comparable à ceux du crissement du système de freinage d’un train. De quoi faire tourner les têtes, surtout si on avait un doute que le jaune ne soit peut-être pas assez voyant. Les changements fréquents de rapports avec une pédale d’embrayage dure conforte mon idée sur le fait qu’elle n’est pas faite pour ça.
En sortie d’agglomération, j’accélère progressivement. Le moteur est plein à tous les régimes et il délivre sa pleine mesure à partir de 2 500 tr/min. C’est à ce moment précis que la magie opère, le couple déboule, brutal, à l’ancienne, un véritable coup de pied aux fesses, réveillant le pilote qui sommeille en vous. À l’attaque, j’enchaîne les rapports via une boîte à la commande ferme, exigeante mais d’une précision remarquable, à condition que l’huile ait eu le temps de chauffer pour gagner en douceur et en rapidité tout en restant hyper précise. À froid, les passages sont vraiment durs mais je n’ai pas eu l’occasion de le ressentir comme la voiture était déjà à température. L’étagement serré des quatre premiers rapports permet de rester dans la zone optimale du turbo. Le cinquième, lui, allonge un peu la sauce, histoire de préserver un semblant de confort sur autoroute, bien que les bruits aérodynamiques et la consommation gargantuesque viennent vite calmer les ardeurs de tout aspirant au long trajet. La direction, ultra directe (2,2 tours de butée à butée), m’impose une attention constante. À haute vitesse, le moindre mouvement se traduit par un changement immédiat de cap. Pas de point milieu, pas de place pour l’approximation.
Les suspensions Ohlins Road & Track sont à la hauteur du reste : fermes, sans concession, mais terriblement efficaces. Chaque appui, chaque transfert de masse est maîtrisé. La rigidité structurelle renforcée de la caisse et la préparation châssis de cet exemplaire participe à cette sensation d’un bloc indéformable, réduisant un maximum le roulis et l’affaissement au freinage. Justement, côté freinage, à l’approche d’une série de virages, je mets une pression progressive sur la pédale de frein et les étriers Brembo 4 pistons à l’avant et les disques ventilés font un travail très honnête avec un bon mordant. Sur mon essai, je n’ai pas eu le sentiment d’un signe de faiblesse sur l’endurance. Cependant, de nombreux propriétaires remplacent l’équipement d’origine pour gagner sur ce dernier point notamment pour un usage sur piste.
Là où elle impressionne vraiment, c’est lorsque j’attaque une route sinueuse. Que ce soit sur revêtement sec, humide ou même dégradé, l’efficacité du système de transmission intégrale associée à l’ACD (Active Center Differential) et à l’AYC (Active Yaw Control) est bluffante. Grâce à ces technologies issues du monde du rallye, il est facile de dessiner la trajectoire au millimètre, avec une motricité et une agilité qui laissent pantois. Le train avant mord le bitume, le train arrière suit avec une rigueur chirurgicale, et je découvre qu’en pilotant finement (non, conduire ne suffit pas ici), il est possible de passer incroyablement fort, même dans les virages les plus exigeants. La Lancer Evo semble scotchée à la route, pivotant presque instinctivement autour du point de corde. L’adhérence est telle qu’elle donne l’illusion de défier les lois de la physique, mais gare à l’excès de confiance : si ça décroche, ce sera sans prévenir et avec beaucoup de difficultés pour corriger le tir.
Pour conclure, elle n’est pas faite pour les trajets tranquilles ni pour les conducteurs du dimanche. Elle réclame de l’engagement, du doigté, et vous le rend par une expérience de conduite rare, intense, pure. Elle ne pardonne pas la mollesse, mais récompense l’audace. D’ailleurs, on comprend très vite l’utilité d’un co-pilote chargé d’annoncer la nature des virages à son pilote tellement elle vous pousse dans vos retranchements. Une chose est sûre : avec de telles performances, il est plus facile de rendre son permis que de daigner rendre les clés après un tel essai !
Sur la route du retour, c’est l’heure d’un dernier petit plaisir pour faire le point sur les performances avec un 0 à 100 km/h en 5,9 secondes, ce qui permet d’abattre le 1000m en 25,9 secondes pour une vitesse maximale de 245 km/h.
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