Échappée des circuits
Je me trouve en région parisienne et je vais prendre la route pour rejoindre Stéphane, devant l’entrée du parc de Bagatelle, dans le Bois de Boulogne. Quelques instants après mon arrivée, j’aperçois la GT3 qui approche, suivie d’une magnifique Abarth 695 Edizione Maserati, appartenant à Antoine, ami et commercial de Stéphane au sein de sa société L’Amour Automobile. Heureux d’avoir un échange avec des passionnés qui connaissent la 996 GT3 sur le bout des doigts, c’est une belle rencontre avec Stéphane, puis Antoine et Alexandre.
Lors de ma découverte de la voiture, je remarque qu’elle reprend la caisse d’une Carrera 2 pour conserver le même Cx tout en ayant une allure bien plus agressive. Son design est unique, on la distingue avec ses jupes latérales, des jantes de 18 pouces démontables à dix branches, une garde au sol rabaissée de 30 mm, mais surtout à son bouclier avant ajouré et à son aileron arrière. On prend un instant pour observer cet aileron, en le regardant de côté, il a la forme d’une pince de crabe, ce qui se marie très bien à la forme du bouclier avant et à l’esthétique de la 996. La partie supérieure est réglable de quelques degrés pour un usage piste. Pour la petite histoire, cet aileron a été fabriqué en France, par la société D.Moris à La Baule-Escoublac, près de Nantes. En faisant le tour à l’extérieur, on est aussi amenés à voir les énormes disques de 330 mm rainurés et perforés à l’avant et à l’arrière, pincés par des étriers à quatre pistons qui ajoutent un peu plus de poids. Cependant, l’absence de banquette arrière et l’adoption des baquets plus légers permettent une économie de plusieurs kilos. Ensuite, on ouvre le capot avant. L’espace est plutôt satisfaisant pour une GT3 avec un coffre de 110 L, de quoi mettre quelques affaires pour partir en week-end ou pour faire une session trackday. Stéphane me fait remarquer qu’il possède une option assez rare sur cette version, le chargeur 6 CD, au-dessus du dessin de l’espace coffre. La rareté de cette option permet de voir qu’à cette époque, le rapport poids/puissance avait toute son importance et les options qui alourdissent inutilement la voiture n’étaient pas souvent cochées.
Nous passons ensuite à l’arrière, pour découvrir cette mécanique si particulière sur une 996 car elle n’a rien en commun avec les autres. En effet, le sien dérive de celui de la 911 GT1, soit un six cylindres à plat de 360 ch à 7200 trs/mn pour un couple de 370 Nm à 5000 trs/mn avec une puissance de 100 ch/L, une première sur une 911. Sa cylindrée est de 3,6 litres, il reçoit un vilebrequin huit paliers nitruré au plasma, des bielles en titane, des pistons allégés, une distribution à quatre soupapes par cylindre, un Variocam -calage variable des arbres à cames d’admission- et un collecteur d’admission variable. Il s’agit donc d’un vrai bloc Mezger, en référence à Hans Mezger, légendaire ingénieur de Porsche pour ses moteurs de courses. On soulève le capot, on ne s’attend pas à grand chose car l’ouverture est très restreinte mais on distingue encore bien la mécanique contrairement aux modèles plus récents où tout est masqué. Enfin, les deux sorties d’échappement chromées complètent la panoplie de la parfaite sportive. La boîte de vitesses à 6 rapports dérive de celle de la 911 GT2 et elle est spécialement conçue pour un usage sportif. Cependant, des pièces comme les synchros s’usent rapidement pour les modèles qui font de la piste.
J’ouvre la portière conducteur et le premier détail qui saute aux yeux, c’est la présence d’une poignée de porte traditionnelle, là où les 993 RS avaient une simple lanière. Je me glisse dans les baquets confort en cuir, et découvre un intérieur un peu austère, avec le style typique de la fin des années 1990, ce qui marque une rupture totale avec le style précédent. La signature Porsche est toujours présente avec les 5 compteurs, qui ne sont plus sous forme de 5 cercles indépendants, mais qui sont emboîtés les uns aux autres. Le tachymètre central est gravé de l’inscription GT3 au centre. En observant un peu plus les détails, elle possède un pack alu intérieur, composé du pommeau, du manche du frein à main et de la traverse centrale en alu. L’équipement de série se résume à l’essentiel avec la fermeture centralisée avec alarme, une radio-CD, des vitres électriques ou encore le réglage électrique des rétroviseurs. En option gratuite, la climatisation automatique était disponible. En l’absence d’une boîte à gants, on a quelques petits rangements dans les portières, mais rien de très spacieux. Pour les néophytes, elle ne possède pas le pack Clubsport, composé des baquets en tissu ignifugé, d’un arceau cage complet, des harnais 3 points et d’un extincteur. Notre exemplaire présente une spécificité insolite : celle d’avoir des ceintures à l’arrière. Un des anciens propriétaires hollandais avait des petits enfants, sauf que pour aller les chercher à l’école, c’est plutôt compliqué : une GT3 étant une deux places ! L’encoche pour les ceintures et la boucle étant toujours là, il suffit simplement de faire un arrêt dans un Centre Porsche et en échange de 1600€, vous aurez deux ceintures et deux places officieuses dans les moulages à l’emplacement de la banquette arrière. Bien évidemment, pas de modifications au niveau de la carte grise, elle reste officiellement une deux places. Après avoir fait le tour complet de la voiture, je peux mettre la clef à gauche comme le veut la tradition chez Porsche. Au démarrage, le Flat 6 caresse les oreilles et au ralenti, son héritage du Mans est facilement reconnaissable avec cette sonorité typique d’un moteur de course au ralenti. Rien de comparable avec le moteur d’une Carrera 2.
Paris-Nice en 4h17
Nous sommes à Paris, avec une 996.1 GT3, pour certains c’est une hérésie, pour d’autres, ça évoquera l’heure du crime. J’étais obligé de faire une référence à cette expérience de folie organisée par nos confrères de Sport Auto en 1999. Pour ceux qui découvrent, c’est très simple, la mission c’était de relier Paris-Nice le plus rapidement possible avec une Porsche 911 GT3 996.1 et une BMW 740d E38. Les vitesses sont complètement folles, une vitesse moyenne de 214 km/h et des pointes à 300 km/h pour la 911, et bien évidemment quelques frayeurs durant le trajet, pensant que la gendarmerie allait mettre fin à cette virée. L’histoire de ce trajet Paris-Nice en un temps record avait déclenché les foudres des politiques de la sécurité routière à la parution du numéro de Sport Auto et ce dernier avait failli être interdit à la vente. La rédaction se défend alors en expliquant que cette expérience démontre qu’il était possible de rouler vite sans être dangereux.
Après cette petite parenthèse, revenons à notre voiture du jour. La position de conduite est vraiment parfaite, comme le pédalier l’est pour le talon-pointe et le levier de vitesse qui tombe pile sous la main droite pour mettre la première. Les premiers mètres me permettent de m’imprégner de l’ambiance qui règne dans l’habitacle, je peux sentir la caisse qui vibre et la sonorité du moteur est très présente grâce aux insonorisants ont été laissés à l’usine pour le plus grand bonheur de nos oreilles. Les automatismes reviennent rapidement pour qui a déjà eu l’occasion de conduire une 911. La première, merveilleusement bien calibrée, renseigne exactement sur ce que fait le train avant, alors que la seconde associe rapidité et précision. Elle ne possède pas d’aides à la conduite, donc on ne peut que faire corps avec la voiture instantanément. Il faut reconnaître qu’un essai d’une GT3 dans le Bois de Boulogne ce n’est pas commun, mais d’une certaine façon, on peut apprendre à la découvrir quand même.
À basse vitesse, elle ne pose aucun souci à un conducteur novice. Cependant, son inconfort marqué sur routes dégradées et chaussées irrégulières vient légèrement assombrir le tableau, comme sur les routes du Bois de Boulogne. Rappelons toutefois qu’elle n’a jamais été pensée pour privilégier le confort, mais bien pour la performance, contrairement aux générations suivantes qui sont plus polyvalentes sur ce point. Une longue ligne droite se profile devant moi et c’est avec un pied droit un peu lourd que je m’autorise le temps d’une centaine de mètres, une belle accélération et ainsi de flirter avec la zone rouge à près de 8000 tr/min, libérant un rugissement métallique aussi envoûtant qu’exquis. Quelle claque ! Les performances sont toujours là, même 25 ans après. La boîte, précise et ferme, se montre parfaitement étagée pour exploiter au mieux ce caractère explosif. En bout d’une longue ligne droite avalée à pleine charge, un appui ferme sur les freins révèle une fois de plus l’expertise légendaire de Porsche en la matière avec de généreux disques en acier de 330 mm mordus par des étriers à 4 pistons, à l’avant comme à l’arrière. Dans la zone, on a quelques endroits avec quelques virages serrés, et chaque passage impressionne par sa direction très précise et sa stabilité. Bien évidemment, le châssis démontre toute son efficacité sur circuit, les limites sont intouchables sur route ouverte et encore moins dans les conditions actuelles.
Cette petite virée m’a appris beaucoup de choses. Tout d’abord, que cette version est vraiment inadaptée pour un usage quotidien mais aussi, que faire un essai dans un milieu qui ne lui correspond pas révèle presque autant de choses que sur des routes appropriées. Et si la recette de tant de bonheur était intimement liée aux retours des valeurs essentielles des autos sportives : légère, châssis pointu, moteur dérivé de la course, le tout sans aides électroniques ? Ça en fait sans aucun doute la GT3 la plus pure. Cela dit, elle exige une bonne dose d’humilité et un savoir-faire certain pour en tirer tout son potentiel.
Citation de Stéphane : Ceux pour qui une 996 GT3 ne serait pas une vraie Porsche, c’est qu’ils n’en ont jamais pris le volant : c’est la meilleure des 911 !
Lors du retour vers notre point de rendez-vous initial, nous faisons le point sur ses performances plus que satisfaisantes : un 0 à 100 km/h en 4,8 secondes et 11,7 secondes plus tard elle atteint les 200 km/h, ce qui permet d’abattre le 1000m en 23,5 secondes pour une vitesse maximale de 302 km/h. La consommation moyenne de notre petite virée urbaine était de 16 L/100 km.
Conseils d’achats
Assez rare avec seulement 1868 exemplaires sur la phase 1, la GT3 n’est pas plus exigeante qu’une 996 standard : pas de problèmes d’IMS ou de rayures de cylindres, le moteur Metzger est d’une fiabilité déconcertante pour un bloc dérivé de la compétition. Cependant, les synchros de boîte sont fragiles sur les premiers millésimes, l’usure est souvent très prononcée surtout en utilisation piste. Les consommables peuvent être assez onéreux car les amortisseurs font rarement plus de 100 000 km, tandis que les disques et plaquettes sont à prévoir parfois avant 20 000 km, soit presque aussi souvent que les pneus. Reste l’embrayage, souvent très fatigué bien avant 100 000 km en cas de fréquentation assidue des circuits. Les tarifs du réseau Porsche demeurent élitistes, mais il existe beaucoup de spécialistes reconnus qui peuvent faire la différence.
A l’époque, elle était facturée 632 000 FF, soit l’équivalent de 143 995 € en 2024, inflation comprise. Il y a 10 ans, la cote moyenne d’une 996.1 GT3 était entre 45 000 et 50 000 €. Après avoir stagné pendant un moment, la tendance est à la hausse depuis quelques années et actuellement la moyenne se trouve entre 75 000 et 80 000 € pour un bel exemplaire avec 100 000 km.
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