Dès son lancement, la Delta s’est imposée comme une référence dans le segment des compactes. Elle a remporté le prestigieux titre de Voiture de l’Année en Europe en 1980, grâce à son design innovant, sa modularité et son comportement routier exemplaire. Initialement proposée avec des moteurs atmosphériques de 1,3 et 1,5 litre, la Delta visait avant tout un public familial et urbain. Cependant, Lancia, forte de son héritage sportif, avait d’autres ambitions pour ce modèle.
Lancia Delta
En 1983, la Delta HF Turbo a marqué le début de la transformation de la berline compacte en une voiture sportive. Dotée d’un moteur 1,6 litre turbo développant 130 chevaux, elle offrait des performances impressionnantes pour l’époque. Ce modèle a posé les bases de ce qui allait devenir l’une des voitures les plus emblématiques de l’histoire de l’automobile sportive : la Lancia Delta HF Integrale.
Homologation en Rallye et la domination
L’année 1986 a marqué un tournant dans le monde du rallye. L’interdiction des voitures du Groupe B, jugées trop dangereuses, a ouvert la voie à une nouvelle catégorie : le Groupe A. Contrairement au Groupe B, qui permettait des prototypes extrêmes, le Groupe A exigeait que les voitures de rallye soient basées sur des modèles de série, produits à au moins 5 000 exemplaires. Lancia a vu dans cette réglementation une opportunité de briller, et la Delta est rapidement devenue la base idéale pour cette nouvelle aventure.
En 1987, Lancia a introduit la Delta HF 4WD, une version spécialement conçue pour le rallye. Équipée d’une transmission intégrale permanente et d’un moteur 2,0 litres turbo développant 165 chevaux, la HF 4WD a immédiatement démontré son potentiel en compétition. Dès sa première saison, elle a remporté le titre de Champion du Monde des Constructeurs, établissant ainsi la domination de Lancia dans le Championnat du Monde des Rallyes (WRC).
A gauche, une Delta HF Turbo, au milieu, la version compétition et à droite, une Delta GT i.e.
L’année suivante, Lancia a présenté la Delta HF Integrale, une évolution directe de la HF 4WD. Avec un moteur plus puissant (185 chevaux) et des améliorations au niveau de la suspension et de l’aérodynamisme, la HF Integrale a consolidé la suprématie de Lancia en rallye. En 1989, la version Integrale 16V a encore élevé le niveau, grâce à un moteur 16 soupapes de 200 chevaux et une répartition de la puissance optimisée pour les surfaces glissantes.
Entre 1987 et 1992, la Lancia Delta a remporté six titres consécutifs de Champion du Monde des Constructeurs, un exploit inégalé à ce jour. Elle a également accumulé 46 victoires en rallye, devenant l’une des voitures les plus victorieuses de l’histoire du WRC. Des pilotes légendaires tels que Juha Kankkunen et Miki Biasion ont marqué cette époque en remportant plusieurs titres au volant de la Delta.
Les versions sportives : de l’Integrale à l’Evo 2
L’évolution de la Lancia Delta HF Integrale est une parfaite illustration de l’adaptation d’une voiture de série aux exigences du sport automobile, tout en répondant aux attentes croissantes des passionnés d’automobiles sportives. Chaque nouvelle version de la Delta HF Integrale a apporté des améliorations significatives, tant sur le plan mécanique qu’esthétique, consolidant son statut d’icône de la performance.
Lancia Delta HF Integrale 8V
En 1988, la Delta HF Integrale 8V marque un tournant dans l’histoire de la Delta. Première véritable version conçue pour la compétition, elle est directement dérivée de la Delta HF 4WD, mais bénéficie de nombreuses améliorations. Sous le capot, on trouve un moteur 4 cylindres en ligne de 2,0 litres, équipé d’un turbocompresseur et développant 185 chevaux. Ce moteur, associé à une transmission intégrale sophistiquée, permet à la voiture d’offrir des performances impressionnantes pour l’époque, avec un 0 à 100 km/h abattu en moins de 7 secondes. Esthétiquement, la Delta HF Integrale 8V se distingue par des ailes élargies, des jantes spécifiques et un design plus agressif, qui annoncent son caractère sportif. À l’intérieur, l’accent est mis sur la fonctionnalité, avec des sièges sport et un tableau de bord orienté vers le conducteur.
Introduite un an plus tard, la Delta HF Integrale 16V représente une évolution majeure. Comme son nom l’indique, elle adopte une culasse à 16 soupapes, permettant au moteur de développer 200 chevaux. Cette augmentation de puissance s’accompagne d’une répartition de la puissance optimisée, favorisant l’essieu arrière pour une meilleure motricité sur les surfaces glissantes, un atout majeur en rallye. Les modifications ne s’arrêtent pas là : la suspension est retravaillée pour améliorer la maniabilité, et les freins sont renforcés pour mieux supporter les contraintes de la compétition. Visuellement, la 16V se distingue par un capot bombé, conçu pour accueillir la nouvelle culasse, et par des détails aérodynamiques subtils qui améliorent la stabilité à haute vitesse.
Avec l’arrivée en 1991 de la Delta HF Integrale Evoluzione, souvent appelée Evo 1, Lancia franchit une nouvelle étape dans l’optimisation de son modèle phare. Cette version, développée à la fois pour la route et pour répondre aux exigences du Groupe A en rallye, voit sa puissance portée à 210 chevaux. Les voies avant et arrière sont élargies, offrant une meilleure stabilité et une tenue de route encore plus précise. L’Evo 1 se distingue également par des modifications esthétiques marquantes : des ailes encore plus larges, un spoiler arrière redessiné et des prises d’air supplémentaires. Ces éléments ne sont pas seulement décoratifs, mais contribuent à améliorer les performances aérodynamiques de la voiture. À l’intérieur, les sièges sport Recaro et les finitions spécifiques renforcent l’ambiance sportive.
Lancia Delta HF Integrale Evoluzione
Dernière évolution de la lignée en 1993, la Delta HF Integrale Evoluzione II, ou Evo 2, est souvent considérée comme l’apogée de la Delta. Cette version, développant 215 chevaux grâce à un turbocompresseur Garrett amélioré et une gestion électronique optimisée, offre des performances exceptionnelles, tant sur route que sur circuit. L’Evo 2 se distingue par des détails esthétiques et techniques qui en font une voiture unique. Les jantes de 16 pouces, les sièges Recaro en Alcantara et les finitions exclusives témoignent de l’attention portée aux détails. Les modifications mécaniques incluent une suspension encore plus affûtée et des freins améliorés, garantissant une expérience de conduite à la hauteur des attentes des amateurs de sportives.
Les séries limitées
La Lancia Delta HF Integrale Evo a également marqué l’histoire par ses nombreuses séries limitées, chacune célébrant un aspect particulier de son héritage ou de ses succès en compétition. Ces éditions spéciales, produites en quantités limitées, sont aujourd’hui très recherchées par les collectionneurs.
Les séries Martini 5 et Martini 6 ont été les premières à célébrer les victoires de Lancia en Championnat du Monde des Rallyes. Avec leurs livrées inspirées des voitures de course, elles incarnaient la domination de Lancia sur les pistes. Mais ce n’était que le début d’une série de créations exclusives qui allaient marquer les esprits.
Lancia Delta HF Integrale Evoluzione “Martini 6”
Lancia a introduit deux séries limitées destinées à séduire les amateurs de raffinement : la Verde York et la Blu Lagos. Ces modèles se distinguaient par leurs teintes exclusives, un vert profond pour la première et un bleu éclatant pour la seconde. À l’intérieur, des sièges en cuir beige ajoutaient une touche de luxe à ces versions, prouvant que la Delta HF Intégrale pouvait être aussi élégante que performante. Dans le même esprit on retrouve aussi la Bianco Perlato, avec sa peinture blanche nacrée et ses sièges en cuir beige, elle incarnait le summum du raffinement. Produite en très petite quantité, elle était destinée à une clientèle exigeante, prête à payer le prix fort pour posséder une pièce unique. Une autre série limitée mémorable : la Giallo Ginestra. Avec sa peinture jaune vif, elle ne passait pas inaperçue. Produite en seulement 220 exemplaires, elle était équipée de sièges Recaro en tissu noir avec des surpiqûres jaunes, créant un contraste saisissant. Ce modèle est aujourd’hui l’un des plus recherchés par les collectionneurs. La Dealer’s Collection est souvent considérée comme l’édition la plus exclusive de la Delta HF Intégrale Evo. Produite à seulement 180 exemplaires, elle était réservée aux concessionnaires Lancia les plus prestigieux. Avec sa peinture bleu nuit métallisée et son intérieur en cuir beige. La Final Edition ou Edizione Finale, destinée au marché japonais, fut le dernier hommage rendu à cette légende. Avec ses couleurs vives et ses finitions soignées, elle symbolisait la fin d’une ère. Mais même en quittant les chaînes de production, la Delta HF Intégrale Evo continuait de vivre dans le cœur des passionnés. Dans les séries méconnues on retrouve la Club Italia, destinée exclusivement aux membres du Club Lancia en Italie, avec sa peinture rouge vif et ses détails spécifiques, cette série limitée était produite en très petite quantité. Pour finir, il y a la Blu Lord, cette édition, également très rare, se distinguait par sa teinte bleu foncé métallisé et son intérieur en cuir beige.
Gianni Agnelli, figure emblématique de Fiat, commande une version unique de la Lancia Delta HF Integrale Evo à Zagato en 1992. Transformée en Spider, cette Delta décapotable arbore une élégante teinte argentée, signature de l’Avvocato, et un intérieur luxueux en cuir. Malgré son allure raffinée, elle conserve son moteur 2.0 turbo et sa transmission intégrale, symbole de sa puissance légendaire.
Lancia Delta HF Integrale Evoluzione “Spider”
Version unique et mythique : Viola Evoluzione 3
L’Evoluzione était assemblée à l’usine principale de Turin, alors que sa remplaçante de 1993, l’Evo 2, était fabriquée chez le carrossier historique Maggiora, sous contrat Fiat Lancia, à l’ancienne usine Lancia de Chivasso. La première génération de Delta arrivant à son terme (elle était produite depuis 1979 et la nouvelle génération est apparue en 1993), l’Evo 2 fut essentiellement assemblée à la main, avec 12 à 15 voitures sortant des lignes chaque jour. Bruno Maggiora voyait lui-même venir la fin des Integrale spéciales que son entreprise construisait et, pour tenter de convaincre la direction de Fiat que tuer cette voiture emblématique serait une erreur, il présenta la Viola au printemps 1994. Une évolution est bien réelle et qui justifie son appellation non-officielle de “Evo 3”. Un prototype unique et désormais mythique pour les lancistes.
Lancia Delta HF Integrale Viola “Evoluzione 3”
La différence visuelle la plus évidente de la Viola est sa somptueuse peinture multicouche dans une teinte de violet créée par le spécialiste PPG, sur la suggestion de Bruno Maggiora. Quand la Viola fut présentée dans un comparatif exclusif réalisé dans l’édition estivale du magazine italien TuttoRally, elle était montée avec des jantes Tecnomagnesio en 17 pouces, la puissance culminait à 237 ch grâce à une nouvelle gestion moteur Magneti Marelli et Weber, et, grâce à une courbe de puissance optimisée, la voiture développait le couple maximum de 317 Nm disponible sur une large plage de régime, entre 2 500 et 6 000 tr/min. Le moteur recevait un nouveau calculateur, un nouveau système d’injection et un Turbo Garrett T3 à la pression supérieure à 1 bar pour obtenir un tel résultat. Le train avant disposait d’un nouveau viscocoupleur exceptionnellement léger et compact fabriqué par Birfield, qui réduisait légèrement la tendance au sous-virage de l’Integrale, et l’amortissement était amélioré. Elle reçoit également reçoit un différentiel à glissement limité GkN, un nouvel embrayage et des rapports de boîte plus courts. La Viola était une demi-seconde plus rapide que l’Evo 2 au 0 à 100 km/h, et 10 km/h plus rapide en pointe. Quand elle fut comparée en face-à-face avec la Delta Evo 2 sur l’ancienne piste d’essai de Lancia, à l’usine Maggiora, le pilote d’essai Paolo Olivero se montra impressionné par la puissance accrue et le comportement amélioré.
Mais si Bruno Maggiora croyait en ce qu’il avait assemblé, ce n’était pas assez pour convaincre Paolo Cantarella et ses camarades décisionnaires à Turin, entre autres parce que Lancia espérait alors séduire les acheteurs de modèles plus luxueux, et non pas les clients de voitures de rallye extrêmes. La Viola est partie en Allemagne en 2005 et est entre les mains de son propriétaire actuel depuis 2015. N’espérez pas un jour vous l’offrir : elle est d’une certaine manière inestimable.
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